Hanna Martinelli - Tomasz Machciński – Anna Solal
Cur. Léo Guy-Denarcy
L’exposition réunit les artistes Hanna Martinelli, Tomasz Machciński et
Anna Solal dans un commissariat de Léo Guy-Denarcy. Invité a réfléchir et à mettre en oeuvre l’ambiguïté et les regards pluriels, ces derniers déploient un ensemble d’oeuvres présentés pour la première fois dans la cité phocéenne.
19H: Performance de Err is human et Szsound. Musique ambient générative/narrative composée en direct en captant des flux de données stellaires grâce à un appareil fabriqué par Err is human
Présentation des artistes
Hana Martinelli
Née en 1999, vit et travaille à Tours. Hana obtient son diplôme national
supérieur d’expression plastique (DNSEP) avec mention «Mise en espace»
en 2023. Sa pratique de la sculpture se construit autour d’objets du quotidien
qui ont perdu leurs utilités initiales. Elle les sélectionne en fonction des
caractéristiques esthétiques, des charges émotionnelles et des symboliques
qu’elle perçoit en eux. L’artiste remanie ces objets, elle les « soigne », les
répare, transformant ainsi leur utilité initiale en une trace mémorielle. À
travers cette transmutation ces objets conservent une cicatrice devenant
support de récits et d’une mémoire commune. Elle associe à sa pratique
de collecte d’objets une réflexion politique influencée par ces lectures
écoféministes, mettant l’accent sur les notions de protection, de sécurité et
de violence liées à ces objets.
« Je ne veux pas emprisonner le spectateur et c’est peut être pour cela,
comme nous l’évoquions, que je travaille avec des matériaux et dans des
compositions qui peuvent attirer. Cette dimension a toujours été présente
dans mes oeuvres. J’évite d’être frontale et j’essaie d’avoir une approche
subtile des sujets que j’évoquent. C’est ce qui me permet de redécouvrir
des notions qui traversent mon oeuvre et mes pièces. En cela, la question
de l’inceste a toujours été présente mais je ne voulais pas le voir. Pour
répondre à votre question plus directement je pense que je me refuse à
l’idée que l’on dépolitise mon travail mais il doit pouvoir avoir une pluralité de
lecture. Aussi je pense que ce faux semblant qui est au coeur de l’exposition
donne un parfait point de départ, on peut pressentir quelque chose dans les
formes et il conserve sa substance. »
- Entretien avec Hana Martinelli réalisé à l’occasion de l’exposition
Anna Solal
Ana Solal est née en 1988 à Dreux. Elle vit et travaille à Paris. Elle appartient à
une nouvelle génération d’artistes qui se distingue par une prédilection pour
le « fait main », pour le croisement sans hiérarchie de processus empruntés
à l’art et à l’artisanat. Ses assemblages sont fabriqués à partir d’objets rebuts
qu’elle glane au cours de ses déambulations. Ils sont recomposés en motifs
aériens, comme des oiseaux ou des cerfs-volants. Brutalement figurative,
cette iconographie pop, anxieuse et mouvante, met en avant l’isolement de
l’individu et une forme d’abstraction dans laquelle il navigue. Anna Solal a
exposé au Palais de Tokyo (Paris), au CAC Passerelle de Brest, au Musée
des abattoirs de Toulouse, ou encore à Interstate Projects (New York).
« L’art le plus puissant est probablement celui qui effectue les déplacements
les plus inattendus, dans le sens où il accueille au sein de sa réflexion non
seulement ce qui n’était pas bienvenu, mais même ce qui était jusqu’alors
rejeté. La question de l’indésirable ou de l’obscène est une question qui se
déplace ; ce qui est insupportable à une époque peut être valorisé à une
autre. De fil en aiguille, cela revient à se poser des questions politiques,
ou disons d’ordre moral, sur le monde dans lequel nous évoluons. Elles
pourraient se résumer ainsi : Qu’est-ce qui est beau ? Qu’est-ce que je
désire protéger et mettre en valeur ? Qu’est-ce que je souhaite refaire ou,
au contraire, ne jamais reproduire ? Toutes ces questions sont connectées
entre elles. En dessous de tout ça, il y a un pacte. L’art est une promesse
concrète ; les objets et les matières qui la constituent sont l’interface entre
le monde qu’il nous tient à cœur de dévoiler et le regardeur. »
- Entretien réalisé avec Anna Solal à l’occasion de l’exposition
Tomasz Machciński
Tomasz Machciński (1942-2022), orphelin de guerre et ouvrier polonais,
a consacré 50 ans de sa vie à réaliser plus de 22 000 autoportraits
photographiques. Dix ans avant Cindy Sherman, Machcinski s’est lancé
dans une quête d’identité effrénée. Découvert récemment, ce grand oeuvre
a été acclamé aux Rencontres d’Arles, à Paris Photo, au Musée d’art
moderne de Varsovie et à l’Independent Art Fair, à New York.
« (Cette pratique photographie) c’est aussi une manière pour lui d’assumer
le corps qui était le sien. Et d’assumer et finalement magnifier cette
difformité liée à la tuberculose osseuse contractée lorsqu’il était enfant.
C’est probablement là qu’il travaille au mieux cette question d’une recherche
d’identité et d’exploratiowwn de sa singularité. Néanmoins, je distinguerai à
cet endroit son travail de celui, par exemple, d’Urs Lüthi. Là où chez Lüthi
on va avoir une question de transgression de genre, chez Machciński on
est dans l’incarnation d’une fluidité de genre, sous une forme presque dé-
sexualisée. Il peut être indifféremment un homme, une femme et cela sans
enjeux socioculturels ou politiques. C’est intéressant d’ailleurs d’observer
ses premières photographies dans lesquelles il cherche une ressemblance
avec une personnalité : Jesus, Freud, Marx ou encore le Pape. Plus
son oeuvre c’est construite, plus il s’est émancipé de cette béquille pour
s’autoriser à être quelqu’un d’autre. Par ailleurs, je remarque que les
femmes ont joué un rôle prépondérant dans ce travail à la fin de sa vie. »
Christian Berst - à propos de l’oeuvre de Tomasz Machcinski :
Léo Guy-Denarcy - Commissaire d’exposition
Léo Guy-Denarcy est directeur de l’Ecole d’art de Tours, directeur adjoint
de l’Esad TALM (Tours-Angers-Le Mans). Il est également critique d’art et
commissaire d’exposition.