JOSEPH CORNELIUS

31 Août - 21 Octobre 2023

Joseph Cornelius présente une série de grandes peintures dans lesquelles des compositions abstraites évocatrices sont contrastées par l'apparition de mots génériques. L'œil se promène entre les mélanges de couleurs atmosphériques et les traits gestuels, mais avant que l'on ne se laisse emporter par les interprétations possibles de ce que l'on voit, les mots génériques suggèrent déjà une description sobre de ce qui est dépeint. Dans leur aspect clair et épuré, les mots évoquent l'esthétique de l'étiquetage et confondent ainsi le spectateur dans leur absoluité. Il semble impossible de se distancier des mots que l'on lit et de regarder l'image sans parti pris. Ils encadrent les peintures sans toutefois en donner une image claire.

Joseph Cornelius (b. 1989 in Gräfelfing, Germany) studied at Kunstakademie Düsseldorf and lives and works in Zurich.

@Jean-Christophe Lett

Texte d'exposition

Joseph Cornelius présente une série de grandes peintures dans lesquelles des compositions abstraites évocatrices sont contrastées par l'apparition de mots génériques.
Dans Shift, Cornelius s'inspire des formes organiques de la nature pour en donner une impression abstraite.

Les mots sont utilisés de manière descriptive ou onomatopéique, obligeant ainsi le spectateur à contempler les compositions abstraites d'un point de vue figuratif.

Dans la vallée de la nouvelle lune, des rouges flous allant du rose au violet bleuté sont flanqués de touches vertes gestuelles. L'œil se promène entre les mélanges de couleurs atmosphériques à l'arrière-plan et les traits peints rapidement au premier plan, mais avant que l'on ne se laisse entraîner par les interprétations possibles de ce que l'on voit, les mots (nouvelle) lune et vallée suggèrent déjà une description sobre de ce qui est dépeint. Dans leur aspect clair et épuré, les mots évoquent l'esthétique de l'étiquetage et confondent ainsi le spectateur dans leur absoluité. Il semble impossible de prendre de la distance par rapport aux mots que l'on lit et de regarder l'image sans parti pris. Ils encadrent les peintures sans toutefois en donner une image claire.

Cornelius a choisi des polices de caractères courantes, visant un caractère informatif et autoritaire tout en diminuant la paternité de l'œuvre. En cela, ils contrastent fortement avec les compositions émotionnelles et semblent ouvrir un niveau conceptuel à côté de la peinture. Ce deuxième niveau est cependant caractérisé par l'ambivalence ; les lettres, qui semblent être imprimées, sont peintes dans des bruns et des gris profonds soigneusement sélectionnés. Par cet acte, elles résistent à une simple utilisation conceptuelle et s'exposent en tant que vocabulaire pictural. Pourtant, l'écriture en tant que vocabulaire pictural crée une forte tension perceptive dans les œuvres, puisqu'il ne nous est pas possible de les percevoir comme de simples formes, mais nous les reconnaissons plutôt comme des mots qui sont immédiatement traités par notre cerveau pour former une image. La possibilité d'ajouter un moment figuratif aux compositions abstraites ouvre l'espace de la toile au spectateur et oriente en même temps sa perception.

L'utilisation de divers signes de ponctuation donne l'impression d'une remarque personnelle, ce qui semble à son tour annuler l'allégation de non-auteur. Ocean splash est une œuvre minimale et gestuelle dans laquelle des traits bleus sur un fond principalement blanc suggèrent des formes organiques de vagues. Entrecoupé de traces de peinture bleue et, à un endroit, de jaune, le blanc semble avoir été retravaillé plusieurs fois. Les mots océan et splash ne sont peints que dans les grandes lignes, ce qui contribue à l'esthétique réduite du tableau. Alors que l'océan semble décrire de manière banale ce que les traits et les formes bleus suggèrent, les guillemets de splash apparaissent comme des ornements onomatopéiques. La simplicité des mots et l'utilisation des signes de ponctuation révèlent un sous-entendu ironique qui semble remettre en question la prétention au sublime souvent inhérente à la peinture abstraite.

Formes libres et mots banals, abstraction et concret, imagination et détermination. L'œuvre de Jospeh Cornelius oscille entre l'un et l'autre, nous invitant à remettre en question notre perception.

Zoe Lang