Lavender Snows

02 Juin - 19 Août 2023

Avec: Nienke Baeckelandt, Sarah Caillard, Lola Daels, Jacques di Piazza, Maëlle Dufour, Valérian Goalec, Lucie Lanzini, Charlotte Lavandier, Muesli Collective, Angyvir Padilla, Kristina Sedlerova-Villanen, Paulius Sliaupa, Maarten Van Roy

Commissariat : Maud Salembier

Ouvert les jeudis,  vendredis, samedis  de 12h à 20h

Venez profiter de la cour ombragée avec son bar à vin nature et tapas preparés par des jeunes chefs en résidence  avec la Cave Ivresse

Exposition jusqu'au 19 Août 2023

@Jean-Christophe Lett

Texte d'exposition

L’exposition Lavender Snows a pour ambition de montrer à Marseille la vitalité de la scène artistique belge émergente. Tenant compte de l’attention de La Traverse pour les questions écologiques, Maud Salembier prend le parti de parler de celles-ci sans les aborder de manière frontale ou trop littérale. Les œuvres présentées contiennent toutes une tension entre solidité et fluidité, dynamique et statique, et questionnent l’impermanence de la matière existant comme un devenir continu. Elles révèlent des préoccupations observées chez de nombreux artistes aujourd’hui, et rappellent inévitablement la manière dont notre planète se réchauffe et se liquéfie, du permafrost aux glaciers, évoquant aussi par glissement les 
ravages de la construction à outrance et une tectonique à effets dominos pour le moins vertigineuse.

L’anthropologue Tim Ingold pense notre être au monde sous des prismes inédits et ses travaux au sujet des fluides solides 
dans l’anthropocène* semblent pertinents pour envisager certains parallèles entre les dérèglements environnementaux et la création contemporaine. Les objets et les formes sont selon lui en constante transformation et en relation dynamique avec leur environnement, plutôt que d’être des entités fixes et statiques. Cette idée peut être observée dans des formes d’art qui impliquent l’utilisation de matériaux et de processus qui sont ou semblent instables. De même, les artistes qui travaillent avec des matériaux tels que l’eau, la glace, la lumière ou les matériaux organiques peuvent être considérés comme explorant les idées de fluidité et de transformation. La porosité entre animé et inanimé, entre animal, minéral et végétal, sont aussi des paradigmes qu’ielles investissent. Enfin, cette pensée peut également être utilisée pour remettre en cause les normes économiques et les conventions du monde de l’art contemporain, questionnant la notion d’œuvre d’art comme un objet fixe et immuable.

L’exposition se penche sur les états transitifs des choses et des matières qui interrogent notre propre finitude, celle de notre espèce, mais aussi celles des œuvres d’art. Le titre Lavender Snows mêle de manière synesthésique un parfum, une couleur et une sensation tactile. Il rappelle aussi les reflets mauves des neiges immortalisées par la peinture d’un Friedrich ou d’un Monet, en plein avènement de l’industrialisation massive de la société occidentale, et des conséquences qu’on lui connaît aujourd’hui.

Carapace chrysalide crustacée couverte de plumes ou de méandres végétaux, Rip Curl, la pièce de bronze patinée par la pluie de Maarten Van Roy, simplement posée au sol, est un microcosme, un état intermédiaire, une vague magma déchirée qui hésite entre renouvellement et déliquescence. Larme(s) est une série de sculptures en tissu réfléchissant de Sarah Caillard, pluie scintillante ruisselant d’un mur ou larmes molles et salées de la mer qui, victime de sa beauté, pleurerait la bétonisation de ses rivages. Fools Paradise est une installation d’Angyvir Padilla qui explore la topographie de sa terre natale, le Vénézuela, qui évolue au fil des creusements et retournements incessants du sol au profit de l’industrie minière et pétrolière, tandis que sa grande céramique de carreaux peints trônant au-dessus de la cuisine, telle une formule ésotérique de chimiste, reprend l’évolution de ses recherches et capture sa pensée en mouvement. Maëlle Dufour, avec son oeuvre intitulée Jusqu’ici tout va bien, parle de l’enfouissement des déchets toxiques cachés sous le sable, avec des céramiques criblées de concrétions posées sur des barils de métal rouillé. Le film de Paulius Šliaupa, The Monk évoque l’évolution de la relation de l’être humain avec la nature, entre saisissement romantique pétrifié devant le sublime et observation quasi scientifique à la loupe de phénomènes infimes du devenir du monde.

Etreinte, de Lucie Lanzini, est une éponge de mer disparue pour laisser la place au métal en fusion, compressée et pétrifiée par la main invisible et contraignante de la matière solide. Sa sculpture de verre transparent océanique Waves, est elle, traversée par la lumière, qui dessine des vagues, tandis que le mur se fait surface fluide et mouvante. Lola Daels présente Soapstones, des répliques à l’identique en savon coloré d’une petite pierre achetée sur un marché pour touristes en Iran. Le morceau de sol, bribe de territoire, se pare de couleurs acidulées, dans une matière qui s’émousse et fait disparaître sa forme lors de son utilisation. The Great Barrier, de Lola Daels aussi, est une petite oeuvre en pietra dura qui évoque le grand récif corallien en Australie, comme un souvenir figé faussement pittoresque d’un monde vivant et en mouvement qui tend à disparaître, de par les déséquilibres de l’écosystème marin causés par l’activité humaine. La sculpture de sel frottée de bouillons de cubes de poisson de Kristina Sedlerova Villanen s’intitule Almost There et repose sur des boules de pétanque. Morceau de mer à l’état solide, elle concentre une allégorie de la pêche intensive à l’échelle mondiale, jeu dangereux dont les stratégies mettent en péril l’équilibre délicat de la vie aquatique. Siamois, la feuille de marronnier albinos de Charlotte Lavandier, parle de la résilience des êtres, de leur aspect double et de la solidarité des fluides qui s’opèrent dans le vaste réseaux en rhizomes que sont les racines, sous la terre.

Les membres de Muesli Collective élaborent des expériences où l’eau est à la fois le sujet, le liant et le révélateur de leurs peintures ; les couleurs et les formes de celles-ci se métamorphosant de manière continue et aléatoire au gré des conditions atmosphériques de l’espace. Jacques di Piazza présente aussi des oeuvres qui jouent avec la sédimentation à l’aide de pigments dans sa petite sculpture-peinture aux airs de Hard Edge Painting, ou d’encre de seiche, dans Obombre, vasque de plâtre qui filtre l’eau noire et garde en elle les traces du temps, tel un camouflage semblable à celui que le céphalopode éjecte pour se protéger. Les œuvres de Nienke Baeckelandt et de Valérian Goalec sont autant contenus que contenants, objets standardisés tels que les bouteilles de plastique ou les verres d’usage quotidien, passant d’invisibles à précieux, ils nous questionnent quant à l’accumulation de déchets et de biens matériels face à la denrée rare qu’est en train de devenir l’eau que nous buvons, essentielle à notre survie.

11 juillet a partir de 18H:

Dans le cadre de l'exposition Lavender Snows , la Traverse est heureuse de recevoir  l'autrice, curatrice et historienne de l'art, Charlotte Cosson, pour la sortie de son Livre Férale: présentation, rencontre et signature le mardi 11 juillet de 18h à 20h en collaboration avec la librairie Mima

L’art peut-il permettre de mieux voir la vie qui fourmille dans nos quotidiens ? Pour créer un pont entre art et écologie, Charlotte Cosson est partie à la recherche d’oeuvres tournées vers la terre et le monde sauvage : des poules oeuvres d’art, des champignons qui forment des temples, des peintures qui sauvent des forêts, un collectif qui danse pour les plantes… Férale présente un art qui compose avec la faune et la flore et déracine les mécanismes de “maîtres et dominateurs” pour les remplacer par des gestes d’humilité vis-à-vis de celles et ceux sans qui respirer serait impossible. Pensé depuis un lieu dédié à la permaculture, cet essai répond à des problématiques concrètes avec des oeuvres issues de cette nouvelle sensibilité d’amour pour les vivants. De saison en saison, l’autrice y invite à s’approprier de nouvelles
manières d’arpenter la vie – de celles qui, justement, la rendent plus savoureuse.

réservation:  office@catherinebastide.com

gratuit

En vente à la librairie Mima

Autrice

Charlotte Cosson

Direction

Sabah Rahmani

Editeur

Actes sud