A-B : Catherine Bastide invite Théophile Calot en résidence curatoriale

03 Juillet - 18 Juillet 2021, Marseille

Avec : Felicia Atkinson, Marc Buchy, Elvire Bonduelle, Eve Chabanon, Musique Chienne, Jérémie Cosimi, Mimosa Echard, Ronan Lecreurer, Nicolas Poillot, Pedro Reyes, Fabien Vallos, Adrien Vescovi. 

 

Vernissage les 3 et 10 juillet Banquet du midi par Fabien Vallos et concert de Musique Chienne. 

Balade digestive ponctuée de performances dans les ruelles de Malmousque.

Inauguration de La Traverse et de La Petite Terrasse, pièce aménagée par les Ateliers Laissez Passer. 

Visites sur rendez-vous.

@Jean-Christophe Lett

Texte d'exposition

Et si l’art conceptuel, réputé protocolaire et désincarné, s’avérait être le terrain de jeu d’obsessionnels romantiques qui se cachent, d’épicuriens à l’auto-dérision insolente? Vers la fin des années 2000, une nouvelle génération d’artistes s’étaient réintéressés à l’art de leurs ainés conceptuels en y débusquant des lignes de tension plus charnelles et émotnelles, loin des dogmatismes binaires entre rationalité et corporalité qui persistaient à leur encontre. Il est donc révélateur de retrouver parmi les invités de cette exposition, l’artiste-philosophe Fabien Vallos, l’un des responsables d’un ouvrage fondamental pour cette génération qui a renouvelé l’intérêt pour les procédures conceptuelles: publié en 2008, « Art conceptuel une entologie » (1) cherchait à repenser la littérature à travers les œuvres textuelles des artistes historiques de cette mouvance. Plutôt que des préceptes froids, ce bouquin « enfant bâtard de la littérature » faisait preuve de la désinvolture des registres qu’ils employaient (autobiographie, journal, dialogue, télégramme), rappelant la visée performative du langage. De performance il sera beaucoup question dans l’exposition proposée par Théophile Calot, qui a lui-même un parcours qui hérite de ce cette perception non binaire de l’art conceptuel. S’il s’est intéressé au principe de l’œuvre-livre avec la création d’une plateforme éditoriale en 2011, c’était pour dévorer le potentiel de la page, du graphisme et des relations humaines avec des artistes, élargissant les modalités d’exposition jusqu’au banquet, à l’image de cette exposition-performance. Et quel meilleur allié pour ce jeu de déplacements que Fabien Vallos, dont les passions philosophiques vont des peintres maniéristes à la théorie de la fête, et qui officiera en tant que chef de banquet? Tous les éléments de cette exposition vivante ont été conçus par des artistes, allant des chaises (des globes terrestres assiégés de Félicia Atkinson, elle-même musicienne et éditrice) à la sculpture lumineuse en perles de verre de Mimosa Echard (dont le travail appelant à tous les sens, ne distingue pas l’organique du synthétique), en passant par les timbres de xylophone de Musique Chienne (qui joue parfois en dialogue avec des animaux), la performance au cerf-volant de Ronan Lecreurer (réunissant science et abstraction moderniste) ou l’étendard de peinture de Adrien Vescovi (réalisé en collaboration avec les éléments naturels), oscillant à la saveur du mistral sur la façade de la maison. Un autre clin d’œil à l’héritage conceptuel qui ressurgit avec la phrase de Elvire Bonduelle inscrite sur les grilles des balcons d’une maison sur le parcours de l’exposition. Il s’agit de la célèbre phrase prononcée par Frank Stella lors d’un échange en 1966 avec Donald Judd: « Vous voyez ce que vous voyez », pour évoquer la condition d’objet de toute peinture. Ce qui s’est depuis accentué avec cette génération d’artistes c’est la possibilité que l’art puisse non seulement s’assumer comme objet mais élargir ses fonctionnalités au-delà de la seule exposition. C’est aussi le cas d’Ève Chabanon dont la pratique est autant collaborative (la création d’assemblées citoyennes) que matérielle, autour d’objets artisanaux fonctionnels qui bousculent l’économie de l’art. Poursuivant ce twist, en convoquant l’esprit de l’artiste conceptuel roumain André Cadere, c’est Marc Buchy qui y introduira une dimension corporelle avec des échasses nous emmenant vers les calanques de Malmousque. Là, dans cette zone fréquentée par les légionnaires, il faudra se baigner pour rejoindre l’Île en face où se tient une dernière performance. Car c’est d’un déplacement autant artistique et intime dont il est question dans cette exposition, celui qui dessine le curateur Théophile Calot: il n’y a pas de séparation entre la rationalité et la pratique du corps, entre l’art exposée aux murs d’une galerie et les verres dans lesquels on boit, entre l’intérieur d’une maison et les éléments naturels qui l’entourent. Il faut toujours rappeler que l’art est un mouvement vital, avec des corps qui jouissent de l’eau et de la nourriture, dans un rituel de célébration de la non séparation des objets et des sujets, de l’esprit et du désir. Pedro Morais